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Beyrouth de nouveau sous les cendres

Publié le par Cristina Castello


« Beyrouth de nouveau sous les cendres : mais à qui profite le crime ? »


                                                                Par François Xavier 

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Et le feu tomba du ciel

Déferlante d'étoiles et de fumée noire

Sur les berges de la vie

Tomba du ciel la fumée noire

Masque de honte et tueuse d'étoiles

Annihilant ainsi l'idée de l'autre

Frappé, brisé, vaincu et humilié

La perversion de la force enchaînée

Par l'esprit unique de l'arbitraire.

(Extrait) de François Xavier « Les manuscrits de Qana »

(Fragment mis à l’initiative de Cristina Castello)

 

 

Je souscris jusqu'à la dernière virgule de ce texte. François Xavier  -l'auteur à la plume engagée- est écrivain et spécialiste de l'Orient, critique, chercheur, essayiste,  éditeur. Il est poète.  La parole est à lui… (Cristina Castello)

 

 

Alors que l'on apprenait hier soir (mercredi 19 septembre 2007) qu'un attentat avait de nouveau secoué la cité du cèdre, l'on nous servait aussitôt le sempiternel refrain contre la Syrie et son nouvel ami, l'Iran. Quelques jours seulement après la déclaration belliqueuse du ministre français des Affaires étrangères, cela sonne creux. Une fois encore, une seule question se pose :
 À QUI PROFITE LE CRIME ?
 


Antoine Ghanem était le député Kataëb de Aley, c'est-à-dire un chrétien appartenant à un parti d'extrême droite. Une voiture piégée a explosé lorsque sa Chevrolet s'est présentée à sa portée, dans le quartier de Sin el-Fil, espace chrétien sis à l'est de Beyrouth.

Une semaine seulement avant le scrutin qui doit permettre l'élection d'un nouveau président de la république, ce nouvel acte de violence est là pour inciter l'affect à prendre le pas sur la raison. Tout aussi odieux que cela puisse être, il ne faut pas tomber dans le panneau qui est de plus en plus grossièrement mis sous notre nez. Tout comme l'OTAN tuait des innocents en Italie pour déstabiliser les communistes et faire croire que les Brigades Rouges étaient capables de tout, notamment de faire sauter la gare de Bologne, il en est qui feront tout pour que le Liban tombe tout cuit dans l'escarcelle de l'Occident, j'ai nommé l'administration Bush et son vassal israélien.   

   

On n'oubliera pas de se remémorer les déclarations d'il y a quelques semaines portées à la criée de l'absurde par le chef druze, le versatile et insaisissable Joumblatt qui ne pense qu'à préserver ses acquis de petit chef de guerre, et qui ne rêve que d'une partition du Liban, soit sous la forme larvée d'une fédération, soit, mieux encore, selon ses nouveaux amis de Washington, d'une constellation de petits états, tous ethniquement purs (sic). Quand on sait le mélange des genres qui fait la beauté de la communauté libanaise, on sourit. Mais quand on connaît la perversité des Américains on rit jaune soudainement, car l'on se rappellera aussitôt la dernière visite éclair du fils Saad Hariri dans le sud de la France, pour y rencontrer Holmert, le premier ministre israélien, dans une demeure féodale saoudienne sise près du cap d'Antibes afin d'échanger sur ce puzzle libanais : un état sunnite au nord, un chrétien à l'est, un druze au centre et un chiite au sud, quel bel avenir pour ce nouveau Moyen-Orient si cher aux Néoconservateurs ….

  

Donc, dès que les radios présentèrent Antoine Ghanem comme un député anti-syrien, j'avais déjà l'envie de jeter mon poste par la fenêtre. Attention donc à ne pas sombrer dans le lavage de cerveau : d'autant que ce député, tout auréolé de son charisme de démocrate, était tout de même sous étiquette Phalangiste, un parti xénophobe qui se targue de défendre les chrétiens, mais qui penche plutôt du côté de la pureté de la race que de la notion nationale. Créé par feu cheik Pierre Gemayel sur le modèle des jeunesses mussoliniennes dans les années 1930, d'où son nom de Phalanges, ce parti politique à la doctrine douteuse s'est toujours fait remarquer par ses excès de violence à l'encontre des non-chrétiens.

 

Quant à feu maître Ghanem, on retiendra son combat pour libérer le chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, qu'il considérait comme une personne honnête (sic), un éminent chef de guerre qui n'hésitait pas à tuer même dans les églises tous ceux qui ne pensaient pas comme lui … Geagea est l'un des pires salopards de la guerre civile libanaise, et ce criminel de guerre est désormais libre…

 

Ma tristesse va aux six morts et aux 75 blessés victimes de cet attentat. Je n'arrive pas à ressentir de la compassion pour un homme qui voulait promouvoir les objectifs et les idéaux du parti Kataëb, qui fait partie de cette classe politique libanaise, ce troupeau malfaisant qui pérore chaque jour à la télévision pour se donner de l'importance ou justifier des privilèges d'un autre âge tandis que la population est exsangue. Il suffit de ces pantins élus à coups de dollars, il suffit de la morgue du chef des Kataëb, Amine Gemayel, qui insultait il y a peu la communauté arménienne car elle n'avait pas voté pour lui ; mais quand répondra-t-il de ses crimes commis lorsqu'il était président du Liban, à commencer par le détournement de près de 4 milliards de dollars (dont un pour sa propre cassette) de la banque centrale pour payer rubis sur l'ongle (ce qui ne se fait jamais !) un contrat d'armement avec les USA ? Ce qui a eu pour effet immédiat de faire passer la réserve bancaire nationale à seulement 300 millions de dollars, entraînant avec elle la chute vertigineuse de la livre libanaise, et la ruine de centaines de milliers de personnes ! Demandez donc le souvenir qu'Amine Gemayel laisse aux Libanais : l'effondrement de la monnaie, mais personne ne se demande pourquoi, soudainement, a-t-elle plongé ?

Alors, tous ces députés membres de ce parti de xénophobes, chrétiens intégristes, qu'ils ne soient pas réélus ou qu'ils sautent sur une bombe, je reste de marbre…

                                                          
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

Et en lisant L'orient-Le Jour de ce matin, 20 septembre 2007, on assiste encore à ce lavage de cerveau méprisant et dérisoire. Que lit-on : « Je me sens menacé, comment je peux faire pour acquérir une voiture blindée ? » C'est par cette phrase prémonitoire que le député Antoine Ghanem a fait hier ses adieux à son collègue et ami, le député Antoine Andraos.

De qui se moque-t-on ?

Dans ce Liban de tous les excès, où le moindre caïd est armé, où tout se trouve à tous les coins de rues, où les voitures blindées sont légion, on tente de nous faire croire que ce pauvre Antoine Ghanem, membre d'un parti extrêmement bien structuré et aux moyens illimités (n'oubliez pas le milliard de dollars détourné), il ne saurait pas où acheter une voiture blindée ? Alors que le premier enturbanné venu tout droit du Golfe pour s'offrir quelques putes russes dans les boîtes branchées ne se déplace qu'en coffre-fort à quatre roues ?

Franchement, un peu de dignité, les Libanais ne sont pas aussi niais, de grâce… Ne faisons pas pleurer dans les chaumières mais portons le débat ailleurs…

 

À QUI PROFITE LE CRIME ?

 

Tout comme la mascarade de l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri, il s'avère que le salut du Liban ne passera pas par l'ancrage à droite, j'entends l'alliance inextinguible avec les idéaux d'Occident. Le général Aoun, ancien adversaire de la Syrie, à juste titre lorsque celle-ci exerçait une domination politique et militaire sans mesure, a désormais compris - avec le Hezbollah - que l'ennemi d'hier était le seul ami d'aujourd'hui, oui, le seul qui pouvait empêcher les Néoconservateurs de mettre leur plan de remodelage de la région à terme.

Pourquoi accuser la Syrie de tous les maux alors que le crime, justement, profite à l'administration Bush qui tente ainsi de jeter le discrédit sur Damas, comme elle l'a fait sur Bagdad, avec les effets pervers que l'on subit aujourd'hui.

 

La Syrie, qui dénonça, il y a quelques jours, la violation de son espace aérien par Israël. Ces derniers disant qu'ils étaient allés bombarder un convoi militaire qui allait franchir la frontière libanaise. Sauf que. Aucun écho satellite ne le prouve.

Par contre, ce que l'on a vu, c'est la chasse syrienne poursuivre les F-16 israéliens, c'est la DCA (toute nouvellement équipée des derniers missiles sol-air russes d'une extrême efficacité, les meilleurs du monde pour l'instant) accrocher les F-16 et ces derniers devant larguer des leurres et leurs réservoirs supplémentaires pour pouvoir prendre de l'altitude et s'enfuir, comme des malpropres… Qu'allaient-ils faire en Syrie ? Survoler, non pas la frontière avec le Liban, mais le port de Lattaquié afin de surveiller l'avancement des travaux d'aménagement en vue … de l'installation de la flotte russe en Méditerranée.

 

Ainsi, la guerre froide reprend. Elle se passera au Moyen-Orient. Les victimes en seront une nouvelle fois des civils innocents, à moins que certains se dessillent les yeux et parviennent à faire bouger les choses. Dans tous les cas, ils sauront au moins à quelle sauce ils vont être mangés, et pourquoi.

 

La folie des hommes est ainsi faite.

 

Le 20/09/2007

 

La Mague   

 

 

 

                 

       

 

 

 

 
 

 

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E
Beyrouth est la neuvième ville à être désignée par l’UNESCO Capitale mondiale du livre, pour l’année 2009. Elle a été choisie notamment « pour son implication en matière de diversité culturelle, de dialogue et de tolérance ainsi que pour la variété et le caractère dynamique de son programme ».« Beyrouth de nouveau sous les cendres », ce qu'à  très bien écrit l’auteur de cet article. Quel est ce monde ? Où sont les voix des personnes qui disent défendre les droits humains ? J'ai honte d’appartenir au genre « humain ».Merci F. Xavier... Courage pour continuer à nous informer !
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